Tu disais qu'une histoire sur le papier fait moins peur que dans la tête. Mais je trouve ça bizarre d'écrire sur ce vieux carnet tout tâché que t'as trouvé, alors je vais faire semblant que c'est à toi que j'écris, Pap.

J'aimerais que tu sois encore là.

Y'a plus beaucoup d'eau ici, ni de nourriture, d'ailleurs. J'arrête pas de penser à la fois où t'es revenu avec toutes ces bonnes choses ; des nouilles séchées, du rat salé et des poires en boîte ! Des vraies poires ! T'avais dit que tu les avais trouvés dans cette vieille maison à l'extérieur de la ville, c'est ça ? J'espère, en tout cas, parce que c'est là que je vais.

...

Je l'ai trouvée, Pap, mais... quand t'en parlais, j'imaginais une maison plus jolie que ça. On dirait que toutes ses fenêtres m'observent comme des gros yeux noirs et puis, y'a quelque chose... à l'intérieur. Je l'ai vu que du coin de l'œil. Juste une seconde... J'ai peut-être rêvé.

Mais c'est vraiment là que t'as trouvé de la nourriture, Pap ? J'ai pas...

Attends.

...

J'ai peur, Pap. J'ai le cœur qui bat à toute vitesse. Quelque chose a bougé derrière les gros trucs en métal devant la maison... des voitures, c'est ça ? Et j'ai vu un pied, mais ça ressemblait pas vraiment à un pied. C'était pas humain. Alors j'ai couru, comme tu m'as dit.

Mais il fallait que je rentre dans la maison ! Je devais aller voir s'il reste des poires ! Et puis je me suis dit que c'était plus sûr à l'intérieur, avec le truc que j'ai cru voir, qu'à l'extérieur, là où je suis sûre d'avoir vu quelque chose.

Je me suis glissée à l'étage dans le bâtiment à côté et j'ai fabriqué un pont avec un bout de bois que j'ai trouvé. J'avais presque atteint la fenêtre de la maison quand j'ai vu le monstre, juste en dessous de moi.

Ils font encore plus peur que ce que tu disais, Pap, avec leurs griffes et leurs dents tordues et leur peau comme un vieil arbre mort. Je sais pas ce qu'il faisait, il reniflait, peut-être qu'il me cherchait... pour me manger. J'ai arrêté de bouger, comme une statue, pendant je sais pas combien de temps. Ça a marché, parce qu'il a fini par partir au bout d'un moment.

Tu disais que c'était pas grave d'avoir peur, tant qu'on continuait à avancer. Alors c'est ce que j'ai fait. Il fait nuit, maintenant. J'ai toujours pas trouvé de nourriture, mais je veux pas fouiller dans le noir. J'ai enlevé mon pont en bois et j'ai poussé des gros meubles devant la porte et la fenêtre. J'espère que ça suffira.

J'ai tellement faim, Pap. Il me reste rien à manger, et plus qu'une demi-bouteille d'eau. Mais c'est bien cette maison-là, hein ? Celle que tu m'as dit ?

Sinon, je sais pas ce que je ferais.